Penser le social autrement

En 1987, Antoine Riboud, patron charismatique et visionnaire de BSN-devenu Danone-,écrivait « les entreprises les plus performantes pensent solidairement le changement technologique, le contenu du travail et le changement des rapports sociaux internes à l’entreprise. » La question qui nous préoccupe, ravivée par la crise sans précédent qui bouleverse les économies mondiales s’inscrit peu ou prou dans la filiation de cette préoccupation. Il devient nécessaire d’inventer les modalités de “régulations” – accords, cadrages, contrats, règles- pour le monde qui vient.


La conception “usuelle” du social qui domine dans les entreprises, fonde les politiques et les instruments techniques, s’essouffle face aux transformations qui se produisent sous nos yeux:

  • Redéfinition du périmètre de la firme dont les frontières deviennent labiles sous les effets conjugués de l’externalisation d’une partie de l’activité, et de l’internalisation d’intelligences ou de compétences externes pour la conception de l’innovation,la coproduction de services. La firme déborde ainsi hors de ses lignes en un écosystème complexe.
  • Changement des modes productifs avec l’avènement d’une économie monde, d’une économie du service avec des critères de performance relationnelle, l’intensification du travail et de son contrôle, l’envahissement de toutes les sphères par le modèle gestionnaire.
  • Intrusion du questionnement démocratique dans l’univers du travail avec notamment pour les métiers de service aux personnes, les métiers du soin, les caissières, les personnels des guichets, la confrontation en tant que personne à d’autres personnes et la mobilisation dans réalisation du travail des valeurs du juste et du bien.
  • Montée d’une inquiétude existentielle et d’une hostilité aux valeurs de modernité sous le double impact des évolutions climatiques et des destructions massives d’emploi dans les économies du monde. Avec simultanément et paradoxalement , un appel à l’Etat comme garant et une mise en cause des institutions démocratiques par des acteurs émergents du social pour porter l’alerte sur des “causes” nouvelles : OGM, ondes électromagnétiques, nanotechnologies. Dans le travail, c’est sur ce même modèle que le harcèlement ou le stress sont devenus des catégories officielles.

Les raisonnements et les outils fondés sur la seule productivité sont de plus en plus épuisés dans un univers où … – la tension économique s’installe durablement, – l’effort demandé aux personnes trouve ses limites, – la majorité des personnes vivent dans des villes loin de leurs réseaux de solidarité, – la montée de la rareté de biens essentiels (eau, énergie) devient une préoccupation grandissante (pour le présent et pour les générations à venir) et tandis que simultanément la prolifération de nouvelles « entités » inquiète (substances polluantes, mais aussi créations technologiques).

Des dirigeants d’entreprises proposent de traiter ces questions par des efforts de redistribution après coup, sous l’angle de la RSE, la responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Sans négliger l’importance de ces initiatives, il nous paraît nécessaire de nous intéresser en amont à la façon même dont se construit la valeur.

La notion de création de valeur est-elle d’ailleurs encore appropriée ? N’assistons-nous pas dans certains cas à la destruction de paysages, de liens sociaux au nom d’une “création de valeurs” qui n’est au final qu’un prélèvement de valeurs au profit d’un nombre restreint ? La prise de risque qui justifiait la rémunération du capital est-elle encore du côté de l’actionnaire lorsque foisonnent les démarches d’externalisation ?

Les managers, tout autant que les responsables des ressources humaines ou les syndicalistes sont aujourd’hui interpellés pour innover dans leurs pratiques, dans leurs politiques afin de trou

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